
En faisant une relecture du film de ma vie, je me rends compte que le désir de Dieu a toujours été présent en moi. Par contre, il a fallu plus de trente ans de vie pour que je prenne conscience de la place de Dieu dans ma vie et dix années de plus pour que je nomme ce désir et que je consente à faire corps avec lui, avec amour et en toute liberté de choix.
Nourrie par un amour infini en moi, enfant, je n’avais pas conscience de ce désir. J’étais simplement bien au-dedans de moi. Dans la chambre de mon frère, qui était enfant de cœur, je jouais à proclamer la messe et quand j’y assistais à l’église, je chantais avec cœur. Puis à l’adolescence, mon ego s’est mis à grandir encore plus. À la fin de l’adolescence, les études sont devenues une priorité ainsi que le souci de mon apparence et la découverte de la sexualité. À cette époque, je ne vivais que sous l’ordre des besoins. Ces besoins venaient répondre aux appels de mon être : corps (besoins physiques), cœur (besoins affectifs), esprit (besoins intellectuels). Toujours dans un mouvement incessant du manque à la satiété et du retour au manque.
Le désir est puissant, il pousse l’être à aller plus loin. Le désir semblait s’être tu. Pourtant, il refaisait surface à l’occasion, car il était toujours un feu ardant sous les cendres. Une vie de foi parallèle à mes études était tout de même présente et pendant tout ce temps, le désir de Dieu cherchait à s’exprimer par des événements importants comme le mariage, la naissance de mon premier enfant, la mort de mon père. Je vivais encore trop sous l’ordre des besoins pour m’en rendre compte, j’étais trop centrée sur moi, mon ego prenait beaucoup de place. Dieu était un Dieu qui venait répondre à mes besoins.
Une fois mes études terminées, j’ai ressenti un grand vide. J’avais 32 ans… C’est à partir de cet élément déclencheur que le désir de Dieu s’est manifesté avec force, tellement, que dans un élan d’amour, je voulais donner ma vie pour Le servir. Au fil des années, ce désir s’est ancré en moi et il est devenu une quête d’union à Dieu jusqu’à ne désirer qu’une chose, faire sa volonté.
Un moment fort qui a nourrit mon désir de Dieu trouve sa base dans un rêve que j’ai fait, il y a plus de quinze ans. Dans ce rêve, je voyais un arc-en-ciel sous fond de ciel bleu qui prenait naissance à gauche dans un gros nuage blanc et allait se jeter dans un même nuage de l’autre côté. À mon réveil, je n’avais qu’une conviction, Dieu faisait alliance avec moi et j’y ai répondu positivement. J’ai fait le dessin de cette vision aux crayons pastel et je l’ai toujours conservé sur mon oratoire derrière mes statues de la Vierge Marie et de Saint-Joseph. Ce souvenir m’est revenu à la lecture du Deutéronome (7 :12), où il est écrit : «…Yahvé ton Dieu te gardera l’alliance et l’amour qu’il a juré à tes pères»[1]. Mon expérience spirituelle est une relation d’amour entre Dieu et moi, «une rencontre de deux désirs»[2].
Il est des moments charnières dans notre vie qui font qu’elle ne sera plus jamais la même. Dans mon expérience spirituelle, il y en a eu plusieurs. Il s’en est produit un, en 2007, qui concerne directement le désir. J’aime lire, le soir avant de m’endormir, un passage biblique, surtout un psaume. C’est en découvrant le Psaume 63 (62), Le désir de Dieu, qu’enfin j’ai pris conscience du désir qui m’habitait. Ce psaume est entré en moi, il est descendu au plus profond de mon être et il m’a comblée de joie : il est venu mettre des mots sur ce qui jaillissait de l’intérieur de moi et qui cherchait à s’exprimer.
Le désir de Dieu est un aller-retour infini entre Dieu et moi, une relation d’amour éternelle. Une joie profonde. Ce désir m’amena à vouloir harmoniser ma vie intérieure à ma vie extérieure, à faire l’unité dans ma famille, dans ma vie de couple. Parler de Dieu aux autres.
Cette prise de conscience que tout c’à quoi j’aspirais, désirait, était finalement Dieu, m’amena à m’inscrire au cours de formation en accompagnement spirituel. Ce désir est tellement fort que je ne peux le garder pour moi-même et ce n’est qu’en entrant en relation avec les autres qu’il pourra vraiment s’accomplir. J’avais le désir de prolonger l’incarnation du Christ dans l’action, car «il est l’essence même de mon être d’être en relation avec autre que moi»[3]. Le désir ne peut rester seul, il doit aller vers les autres pour porter du fruit.
C’est au nom de ce désir aussi, de vouloir le partager avec l’autre, que je suis devenue, en 2008, catéchète dans ma paroisse. Que demander de plus que de transmettre mon amour de Dieu aux autres, qui plus est, d’amener des enfants à découvrir en eux cet amour, ou du moins de le faire naître et se développer en leur faisant connaître et aimer Jésus?
Dès l’instant où je me suis questionnée sur ce qu’était pour moi la différence entre besoins et désir, il m’est apparu clairement que besoins sont pluriels et que désir est unique. Dans notre vie, coexistent plusieurs besoins, mais il n’existe qu’un seul désir. Le désir de Dieu.
Dans mon expérience spirituelle, il s’est effectué un passage important du besoin de Dieu au désir de Dieu. Dieu m’a choisie, j’ai choisi Dieu et j’ai répondu à son appel. Dieu nous désire, nous désirons Dieu, cette réciprocité m’apparait évidente.
Par contre, en tant qu’âme incarnée dans un corps physique, je considère important de préserver l’équilibre entre besoins et désir dans ma vie, car mon âme animée de désir est dans un corps qui a des besoins qui doivent être respectés. Cette notion de respect m’amène à penser au désir qui nous amène à vivre dans la profondeur et le respect toutes nos relations que ce soit avec nous-mêmes, avec les autres, avec Dieu ou avec notre environnement.
[1] La Bible de Jérusalem, Éditions Desclée de Brouwer, 1999.
[2] Jacques Gauthier, L’expérience chrétienne de Dieu.
[3] Benoît Garceau, La voie du désir, Canada, Médiaspaul, 1997.